À l’Institut Pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC)*, on compte sur la génétique pour optimiser la sauvegarde de la chouette chevêche, déjà orchestrée par une nuée de bénévoles de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et désormais soutenue par la Fondation Université de Strasbourg.
La chouette chevêche, aussi connue sous le nom « chevêche d’Athéna », est un poids plume parmi les rapaces nocturnes. Sa corpulence, équivalente à celle du merle, et ses grands yeux jaunes la rendent populaire auprès du public. Ce capital sympathie a déjà permis à la campagne de la Fondation Université de Strasbourg de lever quelques 2 500 euros. « Ces fonds vont nous permettre d’approfondir l’analyse en laboratoire des marqueurs génétiques de la chevêche », explique François Criscuolo, chercheur à l’IPHC et responsable du programme. À l’origine du projet : les observations des bénévoles alsaciens de la LPO, à la fois sentinelles et chevilles ouvrières de la protection des rapaces sur le terrain. « Au milieu des années 1990, agriculture intensive et urbanisation mettent à mal l’habitat naturel de la chevêche, le verger hautes tiges », explique Dominique Bersuder, bénévole LPO et responsable de secteur dans le Bas-Rhin.
Diverses mesures de protection, dont l’installation de nichoirs, ont permis d’augmenter la population de chevêches à environ 400 couples. Le niveau de vigilance reste toutefois élevé. Les campagnes de baguage des jeunes au nid menées par la LPO permettent de mieux comprendre les modalités de recolonisation de territoires. « Mais il nous faut des données plus fines. » C’est là que les chercheurs de l’IPHC entrent en jeu. Sous leurs microscopes, les télomères, extrémités d’ADN contenues dans les plumes des oiseaux, devraient être riches d’enseignements sur « l’état de santé, le niveau de stress et de polluants auxquels ils sont exposés », explique François Criscuolo. Il espère également confirmer « l’hypothèse des caractéristiques du télomère comme indicateurs des chances de survie de l’espèce, vérifiée chez d’autres espèces d’oiseaux ». Combinées aux données de sexage également extraites, ces indicateurs permettront de vérifier que les actions de préservation de la chevêche favorisent son bien-être, de mieux comprendre ses schémas de dispersion géographique et les rôles différenciés qu’y jouent mâles et femelles. Dans leur travail de fourmi, les bénévoles vont bientôt pouvoir compter sur l’aide d’une stagiaire de BTS. Et un projet de thèse est à l’étude. « Cela permettrait véritablement au projet de prendre son envol ! »
Dans les réfrigérateurs de l’IPHC dorment près de 1 000 échantillons de tectrices de chevêches, courtes plumes de couverture, prélevées depuis 2012 par la LPO en Alsace. La campagne de levée de fonds par la Fondation vise à financer l’analyse par séquençage ADN de l’ensemble de ces échantillons. « Notre objectif de 10 000 euros permettrait de tous les traiter mais l’argent déjà collecté a permis de démarrer les analyses », explique François Criscuolo, qui peut compter sur l’aide de Sandrine Zahn, ingénieure spécialiste de l’ADN.
Elsa Collobert
L’article du magazine Savoir(s) est à retrouver ici : http://applications.unistra.fr/unistra/visionneuse/Savoirs/33/files/assets/common/downloads/publication.pdf
Retrouvez également les articles de France Bleu Alsace, 20 minutes et du Journal des sorties ci-dessous :